Recouvrement des créances en Turquie : la saisie conservatoire
La saisie conservatoire est un recours accordé en vertu du Code des Procédures Civiles d’Exécution n° 2004 [dite "PCE"] que les personnes physiques ou morales peuvent solliciter pour leurs créances monétaires. Il a pour effet de « geler » les biens du débiteur et de permettre au créancier / demandeur de procéder à une saisie conservatoire, qui peut néanmoins se transformer en saisie définitive, à la fin d’une procédure judiciaire. Ces biens ne peuvent donc pas être vendu pour recouvrer la dette en question, sauf en cas exceptionnel expliqué sous le titre (« III, »).
Les trois conditions suivantes doivent être réunies pour obtenir une saisie conservatoire:
1- Une créance monétaire, en livre turc ou autre devise étrangère, doit être en cause ;
2- La dette exigible ne doit pas être garantie par un gage, et ;
3- La dette doit être exigible [sauf exceptions prévues par l'article 257(2) du PCE].
Ces conditions sont cependant soumises à des exceptions. Il est possible, par exemple, de demander une saisie conservatoire malgré qu’une partie de la dette soit garantie par un gage, ou encore lorsque la « procédure préalable de recouvrement des créances par la liquidation du gage » suivant l’article 45 du PCE n’est pas obligatoire. De plus, les dettes non exigibles peuvent être soumise à une saisie conservatoire à condition que l’adresse du débiteur ne soit pas communicable ou lorsque le débiteur effectue une action visant à éviter la responsabilité telle que : dissimuler et/ou transférer ses biens ou encore fuir et/ou effectuer des opérations frauduleuses qui violent les droits du créancier.
I. Garantie des dommages éventuels du débiteur
Le tribunal demande généralement au créancier / demandeur de fournir une garantie en compensation des dommages éventuels que le débiteur et les tiers pourraient subir au cas où il ne serait pas fait droit à la demande du créancier. Lorsque la créance est garantie par un jugement ou un document reconnu par le tribunal comme équivalent à une décision de justice, une garantie n’est pas obligatoire. En dehors du cas susmentionné, le tribunal ne peut accorder une saisie conservatoire qu’en échange d’une garantie fournie par le créancier. La garantie correspond généralement à approximativement 15% du montant en litige.
Si les conditions susmentionnées sont remplies, une saisie conservatoire est alors ordonnée par le tribunal. En cas de refus de la demande, le créancier peut toutefois faire appel devant le tribunal régional de deuxième instance qui évaluera l'appel en priorité et rendra une décision finale. De plus, en cas de changement des preuves et des circonstances de la saisie conservatoire, une nouvelle demande peut être déposée.
II. Procédure de saisie conservatoire devant le tribunal
Une procédure pour saisie conservatoire doit être initiée devant le tribunal compétent conformément aux dispositions du Code de procédure civile n° 6100 [dit « CPL »] et aux articles 50 et 258(1) du PCE. Lorsqu’un procès est en cours, la saisie conservatoire doit être demandée au tribunal chargé de l'affaire par le créancier / demandeur. Le demandeur doit présenter des preuves indiquant les motifs de la saisie conservatoire ainsi que les éléments essentiels conformément au CPL.
Le créancier doit alors convaincre le tribunal que les preuves sont « plausibles », la responsabilité et la relation de dette telle qu’un chèque, un billet à ordre et/ou des documents contenant une reconnaissance de dette constituent généralement une preuve valide. Il faut noter que le consentement des deux parties est nécessaire pour valider une facture.
Les parties doivent alors simplement soumettre la requête et la réponse, contrairement aux procédures écrites qui requièrent plus d’éléments. De plus, le juge peut ordonner une ordonnance de saisie conservatoire sans même entendre le débiteur, s'il estime que cela peut rendre l'objectif de la saisie conservatoire futile.
III. Exécution de la décision de saisie conservatoire
A la demande du créancier, le bureau d'exécution est compétent de l'exécution de la saisie conservatoire dans un délai de 10 [dix] jours à compter de la date de la décision. Dans le cas contraire, la décision de saisie conservatoire cesse automatiquement de produire ses effets.
À la suite du « gel » des biens du débiteur, toute vente pour recouvrer la créance ne peut être réalisée sauf en cas exceptionnel. En effet, l'agent en charge de l'exécution peut vendre les biens si la valeur du bien se déprécie rapidement ou si le stockage est trop onéreux. L'argent collecté est ensuite déposé dans une banque de bonne réputation, à la caisse du tribunal ou encore au bureau d'exécution et ne sera pas versé au créancier / demandeur.
IV. Opposition à la décision de saisie conservatoire
Le débiteur est en droit de s'opposer cette décision dans un délai de 7 [sept] jours si celui-ci n'a pas été entendu lors de l'audience de la décision de saisie conservatoire. Il devra alors contester la compétence du tribunal, les raisons de la décision de saisie conservatoire et/ou le montant de la garantie à déposer par le créancier pour les dommages éventuels.
Par ailleurs, le débiteur peut demander au tribunal de renoncer à la saisie sur le bien à condition qu’il fournisse une garantie suffisante couvrant la somme du principal et des accessoires de la créance. Dans quel cas, le consentement du créancier n'est pas requis.